Nombreux sont les électeurs de gauche qui déplorent la multiplication des candidatures que l’histoire des idées autorise à qualifier “de gauche”. Dans ce qui suit, j’explique pourquoi l’investiture du fossoyeur en chef de la gauche constitue paradoxalement le seul espoir pour notre camp politique d’être représenté au second tour de l’élection présidentielle et, peut-être, de remporter la mise.
En cas de victoire de Manuel Valls, il est probable, logique et souhaitable que Hamon, Montebourg et quelques autres s’éloignent définitivement d’un PS définitivement droitisé. Compte tenu de leur jeune âge et de leur ADN politique, on est en droit d’espérer qu’ils aient alors l’audace (pour ne pas dire l’intelligence) de défendre leurs idées en œuvrant pour l’unité de la (vraie) gauche. Autrement dit, qu’ils refusent de se vendre à Manuel Valls en sabordant ce qui constitue la source de leur crédit politique. Ceci étant dit et quoi qu’il advienne, une investiture de Manuel Valls serait favorable pour la gauche. En effet, dans le cas où Montebourg et Hamon rallieraient Manuel Valls au lieu de soutenir Mélenchon, la quasi-totalité de leurs électeurs se tournera tout de même vers le second. A l’inverse, un succès de Montebourg ou de Hamon rendrait impossible la présence d’un candidat de gauche au second tour : le réservoir de voix n’est tout simplement pas suffisant pour se permettre une telle division.
En cas de victoire de Manuel Valls, l’orientation autoritaire incarnée par François Fillon subira une concurrence directe, toute comme l’orientation sociale-libérale incarnée par Emmanuel Macron. Dès lors, François Fillon sera forcé de sécuriser son accès au second tour en draguant l’électeur FN (d’où résultera un affaiblissement proportionnel de Marine Le Pen) et Emmanuel Macron devra insister sur le volet libéral de son programme, espérant ainsi récupérer les électeurs que François Fillon aura perdu en dissertant sur des pentes glissantes comme l’Islam et l’identité nationale. Bref, il est une nouvelle fois évident que l’investiture de Manuel Valls, qui est loin de fédérer la gauche et qui devra donc « chasser à droite », constituerait une bien mauvaise nouvelle pour Macron, Fillon et Le Pen et - en retour - une excellente nouvelle pour Jean-Luc Mélenchon.
C’est pourquoi j’irai voter pour cet homme de droite aux primaires socialistes. Puis je militerai, ici et ailleurs, pour une négociation entre Mélenchon, Montebourg, Hamon et consorts. Négociation dont j’attends deux choses essentielles :
Un renforcement de la France Insoumise et de son candidat par la démonstration d’une aptitude à négocier, à transiger et donc à attirer les « ministrables » de gauche audibles et crédibles qui font actuellement défaut.
La constitution d’une force politique durable à gauche, au-delà du phénomène électoral que constitue la France Insoumise. La fondation d’un nouveau mouvement au sein duquel les représentants du Parti de Gauche, de l’aile gauche du PS et d’EELV parait en effet indispensable pour préparer une candidature commune en vue des élections de 2022 et pour rassembler autour des points de convergences que sont la relance économique « verte », la 6ème République, la sortie de l’OTAN, la lutte contre la fraude fiscale et la construction d’une Europe sociale.
En dépit de l’aubaine que représenterait pour lui une telle investiture, il est rigoureusement impossible pour Jean-Luc Mélenchon d’appeler ses électeurs à voter pour Manuel Valls, car cela hypothèquerait toutes ses chances de négocier avec les perdants de la primaire.
Seul un pion anonyme et non encarté peut donc se permettre un tel appel à ses camarades-pions.
Dans le cas improbable où cette “stratégie du pion” fonctionnerait, je m’excuse platement auprès d’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon pour ce mauvais tour. Mais compte tenu de leurs erreurs passées - qui ont contribué à l’élection scélérate de François Hollande ainsi qu’à l’accession de Manuel Valls au poste de premier Ministre - leur défaite ne m’empêchera pas de dormir. Et ce, malgré tout le respect que j’ai pour leur combat politique.
A bon entendeur, salut.